L’Automobile d’une part, car née au Mans en 1873, et la Course automobile en Sarthe, dont le premier Grand Prix inauguré en 1906 suivi de la première grande course d’endurance née en 1923, enthousiasment nombre d’amateurs dans le monde.
La miniature automobile passionne certains d’entre eux mais plus particulièrement dans le département de la Sarthe. Ainsi, l’association Le Mans Mini Voiture regroupe plus de 70 amateurs de maquettes variées dont la plupart représentent les bolides ayant participé à la remarquable épreuve des 24 Heures du Mans.
Parmi les firmes, fidèles à la compétition sarthoise qui ont laissé un fort souvenir dans la mémoire collective, figure celle de Briggs Cunningham. Grand sportif des USA fortuné mais ne pouvant s’appuyer sur une industrie conséquente, à l’instar de certains de ses concurrents, il ne put y vaincre… mais réalisa de bien belles performances !
Le reportage suivant rend hommage à Briggs Cunningham
Briggs naît dans une famille très riche le 19 janvier 1907, à Cincinnati (Ohio, USA). Sportif très doué, il faillit participer aux Jeux olympiques sur 110 m haies ! La voile l’attire et il remporte la Coupe de l’America en 1958, comme skipper du Columbia.
Après la Deuxième Guerre mondiale, il veut construire des voitures de course d'endurance conduites par des pilotes U.S. pour participer aux 24 Heures du Mans avec succès. Il semble que la grande période de Briggs Cunningham comme constructeur et pilote s'amorce au début de l’année 1950, donc avant l’épreuve du Mans. Ainsi, au volant d’une Healey dotée d’un moteur Cadillac, Briggs Cunningham finit 2e à Palm Beach, le 3 janvier de cette année-là.
Première tentative au Mans
En vue d’une participation aux 24 Heures du Mans, Briggs Cunningham élabore un projet de bolide dont la carrosserie est étudiée par Grumman, l’avionneur U.S., qui se sert de la soufflerie de son usine. L’esthétique de l’engin peut être discutable… et est aussi très discutée ! D’ailleurs elle y gagne son surnom : Le Monstre et aussi The Monster pour les Anglo-Saxons. Mais il semble que ce soit la première création de la maison. D’autre part, la masse de l’engin a été abaissée de plus de 500 kg par rapport à la berline d’origine de marque Cadillac !
Le Monstre
Quelques jours avant la course, Alec Ulman, manager chez Cunningham, déclare à la presse : « Nous ne sommes pas venus pour gagner mais seulement pour apprendre. » Donc, pour le 24 juin 1950, Cunningham a engagé deux voitures, deux Cadillac dont un véhicule de tourisme et l’autre qui aurait dû être nommé Cunningham (et non pas Cadillac). Pour l’ensemble de la mécanique, les deux sœurs sont pratiquement identiques : des V8 Cadillac de 5 439 cm3.
Lors des essais, Le Monstre qui manque de tenue de route percute les fascines du circuit. L’avant se trouve sérieusement enfoncé ; la partie gauche de la carrosserie aussi a souffert. Heureusement pour l’écurie Cunningham, les artisans manceaux font preuve de qualité et de rapidité, aussi tout est parfaitement en place pour le départ.
La Cadillac dite Petit Pataud
Le départ
La berline, surnommée « Petit Pataud », aux mains des frères Sam et Miles Collier se classe 10e. Elle devance Le Monstre, piloté par Briggs et son fidèle Phil Walters, de 8 km et d’une place. Cette dernière avait reçu une décoration qui sera typique chez Cunningham : robe blanche dotée de deux bandes longitudinales bleues.
Le 23 septembre, à Watkins Glen, Briggs termine 2e avec une Healey-Cadillac derrière une Allard dotée d’une mécanique semblable.
L’épopée Cunningham
La mécanique Cadillac peut-être trop fragile ? ou manquant de puissance ? est abandonnée au profit d’une autre d’origine Chrysler. Cela signifie que Briggs passe d’un grand groupe automobile U.S. à l’un de ses concurrents.
1951
Briggs Cunningham vient par avion à Paris, puis se rend le 14 juin au Havre pour réceptionner ses bolides, arrivant par le Mauretania, paquebot de la Crusader Line. Ceux-ci vont gagner l’atelier de carrosserie Guillon, comme ils le feront pendant une décennie.
Pour la première fois, le pesage se déroule rue Paul-Courboulay, dans l’ancienne gare centrale des tramways à vapeur. Les responsables de l’équipe U.S., Briggs et Alec Ulmann son manager, sont reçus par Paul Jamin, président de l’Automobile Club de l’Ouest, lors d’un vin d’honneur à l’hôtel du Saumon.
La gare centrale des tramways à vapeur
Les 23 et 24 juin, 3 Cunningham C-2R (V8 Chrysler de 5 426 cm3) sont présentes au départ des 24 Heures du Mans. J. Fitch et P. Walters (n° 4) effectuent une course sage : 4e à la 10e heure de course, 3e à la 12e heure, 2e de la 14e heure jusqu’au dimanche midi… Hélas pour eux, des problèmes vont s’accumuler et ils terminent 18e alors que les deux autres abandonnent sur des sorties de route : B. Cunningham-G. Huntoon (n° 3) et G. Rand-F. Wacker (n° 5).
À Waltkins Glen, le 26 août, un doublé de la marque est réalisé par Phil Walters et John Fitch, avec des C-2R, qui dominent Spear au volant d’une Ferrari.
Parallèlement à la production de voitures de compétition, Briggs Cunningham va construire de 1951 à 1955 près de 30 véhicules de sport pour amateurs éclairés. Il est basé à West Palm Beach en Floride, tout près de Miami. Cette activité lui permet vraisemblablement de financer ses bolides, au moins en partie.
1952
Briggs Cunningham ne peut rater la première édition des 12 Heures de Sebring qui se déroule en Floride, près de son entreprise. Une C-4R engagée est contrainte à l’abandon. La proximité de ce circuit va amener Briggs à une grande fidélité comme constructeur puis uniquement comme pilote.
Les 14 et 15 juin, Briggs et W. Spear (C-4R, V8 de 5 425 cm3, n° 1) réalisent une course d’attente : 10e à mi-course, 7e aux trois quarts de l’épreuve, 5e à une heure de l’arrivée et… décrochent leur premier exploit dans la Sarthe en obtenant la 4e place aux 24 Heures. Le boss aurait piloté durant 20 heures ! Les deux autres équipages, Phil Walters-Duane Carter (C-4RK, n°2) et John Fitch-George Rice (C-4R, n°3) ne peuvent terminer en raison de problèmes de moteurs. La berlinette C-4RK dispose d’un arrière à pan coupé que le théoricien Wunibald Kamm a dessiné. Il diminue la « traînée » aérodynamique et permet théoriquement de bien meilleures performances avec la même puissance. L’étude n’a sans doute pas été assez poussée car les résultats semblent bien décevants.
Briggs le patron, enlève l’épreuve de Waltkins Glen au volant d’une C-4R.
Fitch 1er, Walters 2e et Cunningham 3e réalisent un superbe triplé pour la marque à Elkhart Lake, le 7 septembre.
Les dirigeants de l’ACO pensent que les Cunningham peuvent remporter les 24 Heures du Mans, aussi les dessins de Géo Ham sur les couvertures des programmes officiels de 1952 et 1953 montrent chacun une Cunningham? bolide blanc ?ouble bande bleue, au milieu d’autres représentant des Jaguar, Ferrari et Aston Martin, nous le confirme !
1953
Aux 12 Heures de Sebring, le 8 mars, les Aston Martin officielles ainsi que les Jaguar et Ferrari privées ne peuvent empêcher la victoire de Fitch-Walters sur une Cunningham C-4R dotée d’une moteur Chrysler. Parnell et Abecassis, deuxièmes, disposent d’une Aston Martin DB3 (2 922 cm3).
1954
Le 13 janvier 1954, au Mac Carty Memorial 200, Walters finit 2e entre les Ferrari de Kimberly et de Fitch.1955
Pour Sebring, Briggs engage une Jaguar D pour Mike Hawthorn et P. Walters qui l’emportent.
Au Mans, les 11 et 12 juin, il effectue un dernier essai, mais avec un seul bolide de sa marque, cette fois ! Briggs se tourne vers Offenhauser, firme U.S., qui produit une grande partie des moteurs des participants aux 500 Miles d’Indianapolis. Sa C-6R (n° 22) reçoit donc un 4 cylindres en ligne de 2 946 cm3 développant 260 CV.
Briggs arrive au Havre, avec ses bolides, le 1er juin 1955, à bord du paquebot Liberté. Ses pilotes gagnent Paris par avion et atterrissent à Orly, l’aéroport à la mode pour cette époque. Ses voitures, comme à l’habitude, sont accueillies rue Sagebien, chez le carrossier Guillon. Briggs engage aussi une Jaguar E type, mais elle se rend de Coventry (où l’usine Jaguar est basée) dans la Sarthe par avion, directement au Mans !
Il pilote cette C-6R avec Sherwood Johnson. L?affaire se termine par un abandon ?a 19e heure, le moteur ayant l?? Il dispose aussi de la Jaguar D victorieuse ?ebring. Aux mains cette fois de Walters et Spear, la n° 9 doit abandonner, l??par sa distribution.Alors, Briggs jette l’éponge, il ne concevra ni n’engagera plus de bolides selon ses conceptions. Il approche de la cinquantaine et adore encore piloter mais, il aurait aimé vaincre au Mans… peut-être qu’une occasion se présentera avec un engin d’une autre marque ?
La course continue avec d’autres bolides
Briggs noue des contacts avec la maison Jaguar, peut-être pas officiellement. Cependant, à Sebring, en 1956, avec une bonne vieille Jaguar D Type, il finit 12e avec J. Bennett. Le 9 septembre suivant, avec son ami Fitch, il termine 2e aux 6 Heures d’Elkhart Lake, pilotant l’une d’elles.
Sebring 1957 voit le tandem Hansgen-Lou Brero à la 5e place sur la Jaguar D de Briggs.
En 1958, à Sebring, B. Cunningham, W. Hansgen et leur Jaguar D doivent abandonner. Au cours de la même épreuve, en 1959, Briggs engage 2 Lister-Jaguar. Hansgen et Thompson finissent 12e alors que Cunningham et Underwood obtiennent la 15e place.
Deux voitures en 1962, à Sebring : la Cooper T57 de McLaren-Penske termine 5e, et la Jaguar E de Fitch-Cunningham, 14e.
Si, en 1963 à Sebring, il abandonne avec Fitch sur leur Jaguar E Lightweight, McLaren-Hansgen finissent 8e sur une monture semblable.
Épaulé par Lake Underwood, Briggs remporte la catégorie des « 3 litres » à Sebring au volant d’une Porsche 904 GTS; ils terminent 9e au classement général.
Le même type de Porsche, en 1965 à Sebring, mène sans gloire Fitch-Cunningham à la 20e place.
Pour sa dernière apparition à Sebring, en 1966, Briggs abandonne avec Jordan sur une … 904 GTS. Décidément, ce modèle ne lui réussit pas.
Retour au Mans
1960
Cette année voit le retour en force de Briggs Cunningham au Mans : 3 Chevrolet Corvette (V8 de 4 640 cm3) et une nouveauté avec la superbe Jaguar E2A ! Aucun de ces quatre engins ne peut prétendre à la victoire finale mais ils constituent une belle attraction pour les amateurs. Fitch-Grossman finissent 8e sur la Corvette n° 3. Celles de Cunningham-B. Kimberly, n° 1, et R. Thompson-F. Windridge, n° 2, ne peuvent rallier l’arrivée.1961
Pour cette édition, Briggs engage 3 Maserati, firme qui n’a jamais bien réussi dans la Sarthe, souvent victime de mécaniques ne supportant pas la durée de la course. Le résultat est honorable puisque la Tipo 63 (V12 de 2 989 cm3, n° 7) pilotée par A. Pabst-R. Thompson se classe 4e. La Tipo 61 (L4 de 1 989 cm3, n° 24) de Briggs et B. Kimberley, finit 8e. un seul abandon pour la Tipo 63 (n° 6) de W. Hansgen et Bruce McLaren.
1962
Cette fois, il vient avec une Jaguar E et 2 Maserati Tipo 151 (V8 de 3 944 cm3) pour Hansgen-McLaren (n° 2) et Kimberley-Thompson (n° 3). Aucune italienne ne voit l’arrivée. Avec Bob Grossman, il pilote la Jaguar (L6 de 3 781 cm3) qui termine 9e.
1963
Briggs est-il alors représentant Jaguar aux USA ? On pourrait le croire puisqu’il vient en compagnie de 3 Jaguar E dotées des mêmes mécaniques qu’en 1962. Il termine 9e avec B. Grossman (n° 15), alors que Roy Salvadori-P. Richards (n° 16) et W. Hansgen-A. Pabst (n° 14) abandonnent.
1964
Pour la dernière participation aux 24 Heures d’une de ses voitures, Briggs connaît la disqualification de sa Cobra Daytona menée par Chris Amon et Jochen Neerpasch.
Un des meilleurs en 15 années de participation au Mans et ailleurs !
Cunningham et ses productions ont animé les 24 Heures du Mans, les 12 Heures de Reims et bien d’autres courses sur le continent américain. S’il ne fut pas le meilleur conducteur, il obtint toutefois un beau palmarès, aussi bien en tant que pilote que constructeur. De plus, à une période où bien de ses pairs ont perdu la vie au volant, il sut préserver la sienne alors qu’il conduisit jusqu’à près de 60 ans !
Briggs Cunningham décède le 2 juillet 2003, à Las Vegas (Nevada, USA).
Le Monde des miniatures Cunningham
Les photos couleur ont été réalisées en 2023 par le Manceau Georges Pasquier, lui-même collectionneur passionné.
Les mêmes, façon départ des 24 Heures du Mans.
Sources :
Cohin E, L’Historique de la course automobile. 1894-1978 , col. Fanauto, 1982
Georgano GN (direction de), Autos. Encyclopédie complète. 1885 à nos jours, éd. de la Courtille, 1972
Moity C, Teissèdre JM, Bienvenu A, 24 Heures du Mans. 1923-1992, éd. d’art JP Barthélémy, 1992
Le Maine Libre, divers numéros
Ouest-France, divers numéros.