L'histoire du sanatorium de Parigné-l'Évêque est indissociable de celle d'un homme qui a contribué avec acharnement à combattre la tuberculose.
Issu d'une famille modeste,
François Gallouédec naît en 1889, à Taulé, dans le Finistère. Rien ne le prédestine à la recherche médicale. Cependant, de brillantes études le conduisent à poursuivre cette voie et avoir pour maître Henry Delagenière qui, en 1904, ouvre sa clinique, rue de Ballon au Mans. Au début des années vingt, la tuberculose provoque environ 150 000 morts par an et près de 500 000 personnes sont atteintes par ce fléau. Albert Calmette et Camille Guérin ont mis au point, entre 1904 et 1928, la vaccination contre la maladie grâce au BCG.
Dès 1925, François Gallouédec s'était rapproché du professeur Calmette pour apporter sa contribution. Une étude menée au Mans, en 1931, dénombre 247 cas de tuberculose dont 18 par méningite tuberculeuse, pour une population de plus de 75 000 habitants. Cette même année s'effectue la première vaccination à l'hôpital, 23 sont assurées au dispensaire de la Croix-Rouge et 100 doses de BCG, fournies à la maternité de l'établissement.
Afin d'accueillir et soigner correctement les malades, l'
Association d'Hygiène du département désigne, en octobre 1931, le docteur Gallouédec afin qu'il surveille les travaux d'une structure adaptée construite dans les pinèdes de
Parigné-l'Évêque dont les pentes boisées offrent une exposition favorable. Trois mois plus tard, les sœurs et l'infirmière principale préparent les services pour recevoir les premiers malades. Deux ans vont s'écouler avant que l'éminent praticien ne soit secondé par le docteur
Jean Guitton dont le nom reste attaché au "sana" comme celui du "grand patron".
À cette époque, les loisirs sont des plus restreints (les hommes apprennent le tricot). L'aumônier initie quelques malades au bridge. L'un des leurs deviendra champion de France d'échecs.
"Si ton cerveau avait été touché par la maladie, tu aurais fait une méningite ou du gâtisme, mais il est intact. Il est peut-être plus affiné que ceux des biens portants. On t'interdit la culture physique, fait de la culture intellectuelle..." Dans le meilleur des cas, les bons soins prodigués permettront d'en sortir guéri ; de nombreux autres patients garderont des séquelles plus ou moins présentes ; les moins résistants grossiront la longue liste des victimes. Dévoué corps et âme, le bon docteur évoque "son sana", "ses malades" auprès de qui il passera des nuits blanches afin de les rassurer lors d'un bombardement, le 13 juin 1940.
Le 23 février 1945, François Gallouédec sait qu'il vit ses derniers instants. Entouré de ses collaborateurs les plus proches, les docteurs Guitton et Langevin, il déclare :
"je vous confie la maison et mes très chers malades". L'auteur de cet article peut témoigner du confinement nécessaire et obligatoire de l'entourage du "tuberculeux". Soixante-quinze ans plus tard, il n'imaginait pas connaître ce bégaiement de l'histoire médicale à la recherche de la solution miracle censée sauver l'espèce humaine.
Daniel Levoyer