Ce jour de mars 1947 au sud-est de Pontvallain, sur la route de Sarcé, au lieu-dit Les Herpinières, l'éboulement de l'intérieur d'une cave creusée à flanc de coteau, met au jour un certain nombre d'ossements.
Aussitôt le propriétaire alerte les autorités, M. Liberge, directeur d'école, ainsi que
M. Basile, maire de la commune. A leur arrivée ce 15 mars, un fémur apparaît complètement extrait puis quelques vertèbres de grande taille, des côtes, et le bassin partiellement visible, le restant du squelette étant trop enseveli sous la gangue minérale.
Le 19 mars,
Le Maine libre titre : « Un squelette d'animal préhistorique découvert à Pontvallain », avec ce sous-titre non moins accrocheur : « S'agit-il d'un dinosaurien vivant il y a vingt millions d'années ? ».
A l'évidence, le journaliste pris sans doute dans l'élan du scoop, écrit que l'animal exhumé, nous arrive du tertiaire, hasardant même un dinosaure de l'ordre des reptiliens, et vieux de quelque vingt millions d'années… Il est vrai que la taille, très inhabituelle des ossements, a pu faire fantasmer notre chroniqueur.
Une deuxième campagne de fouilles fut entreprise dans la foulée, le 21 mars 1947. Plusieurs vertèbres de la queue ainsi que le bassin sont ramenées au Mans.
En effet, du statut de dinosaure notre « Bête de Pontvallain », comme le titrait Le Maine Libre du 2 mai 1947, devint un
« Bos primigenius », soit un descendant de l'aurochs, ou bœuf préhistorique, un mammifère de grande taille.
Ainsi les restes de l'animal sont dégagés. La tête est exhumée avec ses deux maxillaires droits, le noyau osseux de la corne gauche, les deux omoplates ainsi que, détail important, une omoplate très petite appartenant à un cerf. Tous les os sont remis en septembre 1947 au musée de Tessé du Mans, section Sciences naturelles.
Pourtant, un point important n'a pas été abordé lors de ces analyses. Il s'agit pour le lecteur de connaître l'âge estimé de l'enfouissement de la « bête » or, à aucun moment les chercheurs, ainsi que le journaliste n'en font état.
La réponse ne viendra que 57 ans plus tard.
Dans le cadre d'une étude paléogénétique, menée par le CNRS (Institut Jacques Monod), le Musée Vert du Mans est contacté afin d'entreprendre une nouvelle campagne de fouilles en 2004. M. Nicolas Morel, responsable du Musée Vert, permet de collecter environ 120 ossements « fraîchement » prélevés permettant dans un premier temps de dater le ruminant enfoui, voici environ 3 200 ans, et ensuite de concrétiser l'objet de l'étude qui était de mettre en avant l'importance de la non-contamination et non-pollution des ADN des fossiles ; l'étude consistant à mettre en avant la différence qualitative des informations recueillies entre les deux périodes de prélèvement des fossiles.
Pour information, cette étude a démontré, entre autres, que ces ossements « frais » ont gardé un taux d'ADN de 46%, au lieu de 18% pour ceux de 1947. Les chercheurs ont observé que le taux d'ADN s'était autant dégradé en 57 ans qu'en 2 000 ans d'enfouissement !
M. Morel insiste sur le fait que la « bête » soit identifiée par la suite comme un aurochs (
Bos primigenius), car ce qui semblait apparaître comme un « simple » aurochs, en lieu et place d'un « dino », n'est donc en rien une déception mais au contraire une magnifique découverte, unique dans tout l'Ouest de la France.
Cette collection, mise en situation, est désormais visible au premier étage du Musée Vert, situé 204 avenue Jean-Jaurès au Mans.
Philippe Landais