L’année 1900 voit
Henry Fournier (1871-1919) tâter de la compétition automobile… en
tant que mécanicien de bord de son ami Charron. Ainsi sont-ils tous
deux au départ de la première Coupe Gordon-Bennett, disputée sur
les 569 km de Paris-Lyon, le 14 juin. Bien peu d’engagés : 3
Panhard-Levassor pour Charron, de Knyff et Girardot, une Snœck-Bolide
belge aux mains de Jenatzy, une Winton américaine pilotée par son
constructeur. Toutes, selon le règlement, pèsent au moins 400 kg.
A
Limours, Girardot possède près de 3 minutes d’avance sur le
deuxième, Charron. Chartres voit les 3 Panhard mener, avec Charron
en tête. Peu après Châteaudun, Charron passe trop vite un
caniveau, tord un essieu, mais continue quand même. De Knyff
s’arrête définitivement à Orléans, à cause d’un problème de
boîte de vitesses. Jenatzy collectionne les crevaisons depuis le
début de la course. De plus les troupeaux de moutons traversant la
route le retardent et les chiens se jettent sous ses roues !
La course se résume désormais à l’affrontement de deux concurrents
pilotant des bolides identiques, Girardot et Charron. Pendant
longtemps le second nommé dispose d’une heure et demie d’avance
sur l’autre, malgré les problèmes provoqués par l’accident
précédent. Depuis, Henry Fournier, son mécanicien, doit asperger
régulièrement d’huile les chaînes de transmission qui se
trouvent, dorénavant, trop tendues, malgré les risques dus à la
vitesse.
A
16 km de l’arrivée, en descendant une côte à 100 km/h, la
Panhard de Charron heurte un chien saint-bernard qui reste coincé
entre une roue avant et la biellette de direction, ce qui la tient
bloquée… Incontrôlable, le bolide sort immédiatement de la
route, traverse la berme en évitant les arbres par miracle, circule
un moment dans un champ voisin, revient sur la route où il effectue
un tête-à-queue, et s’arrête enfin !
L’équipage est
indemne, la voiture aussi hormis la rupture du support de pompe à
eau… qu’à cela ne tienne ! Henry rafistole l’ensemble,
relance le moteur à la manivelle et plaque la dite pompe contre le
volant-moteur. Pendant ce temps son chauffeur entreprend son
demi-tour et repart vers Lyon. Charron et Fournier remportent
l’épreuve avec 1 heure 27 minutes d’avance sur Girardot,
applaudis par un très maigre public. "Il y avait bien une
dizaine de types" dira, ironique, Charron par la suite.
Au cours de 1901, Fournier remporte les
deux plus grandes courses au monde : Paris-Bordeaux, le 29 mai,
sur une Mors. Cette voiture fait encore merveille du 27 au 29 juin,
au cours de l’épreuve disputée en 3 étapes : Paris-Berlin.
Enfin, le 5 novembre 1902, toujours au volant d’une Mors, Henry
améliore le record du monde de vitesse sur terre, près de Dourdan,
à 123,249 km/h. Là s’arrête la carrière du champion manceau !
Jean-Pierre Delaperrelle